RBAC et Audit policy sur Kubernetes

Introduction

Le contrôle d’accès basé sur les rôles (RBAC) dans Kubernetes est un mécanisme puissant permettant de gérer les autorisations au sein d’un cluster. Grâce au RBAC, il est possible de contrôler finement qui peut faire quoi, allant de la simple lecture de ressources à la gestion complète du cluster. Ce système est essentiel pour sécuriser les clusters Kubernetes, en s’assurant que chaque utilisateur ou service agit uniquement dans le cadre de ses permissions définies.

L’importance du RBAC ne se limite pas à la sécurité; il facilite également la gestion des environnements multi-utilisateurs et multi-applications en délimitant clairement les droits de chacun selon ses besoins opérationnels. Par exemple, un développeur pourrait avoir les droits nécessaires pour déployer et gérer ses applications dans un namespace spécifique, tandis qu’un administrateur système pourrait avoir des droits étendus sur l’ensemble du cluster.

Dans ce guide, nous allons détailler la mise en place et la gestion des RBAC à travers la configuration des utilisateurs, l’utilisation des certificats, des service accounts, et des groupes. Nous aborderons également la création des rôles et des attributions de rôles, en distinguant les rôles à l’échelle des namespaces des rôles à l’échelle du cluster.

I – Configuration de l’environnement

Avant de plonger dans la gestion des accès et des permissions avec RBAC, il est crucial de préparer votre environnement Kubernetes. Cette section couvre les prérequis nécessaires et la configuration initiale du cluster, ainsi que les éléments essentiels d’un fichier kubeconfig.

Prérequis

  1. Cluster Kubernetes: Assurez-vous que vous avez accès à un cluster Kubernetes. Celui-ci peut être local (minikube, kind) ou un cluster hébergé par un fournisseur de cloud (AWS EKS, Google GKE, Azure AKS).
  2. Outils en ligne de commande:
    • kubectl: L’outil en ligne de commande pour interagir avec le cluster Kubernetes. Il doit être configuré pour communiquer avec votre cluster.
    • openssl ou tout autre outil de gestion de certificats pour générer des certificats X.509.

Configuration initiale du cluster

Avant de commencer à configurer les RBAC, assurez-vous que le cluster fonctionne correctement et que kubectl est configuré pour y accéder. Vous pouvez tester cela en exécutant une commande simple pour lister les nœuds du cluster :

kubectl get nodes

Si la commande retourne la liste des nœuds, votre configuration est correcte.

Structure du fichier kubeconfig

Le fichier kubeconfig est essentiel pour configurer l’accès aux clusters Kubernetes. Il contient les informations nécessaires pour que kubectl puisse communiquer avec le serveur API Kubernetes. Voici les éléments clés d’un fichier kubeconfig :

  • Clusters: Liste des clusters Kubernetes, y compris l’URL du serveur API et les certificats de CA (Certificate Authority) pour vérifier le serveur.
  • Users: Détails des utilisateurs, incluant leurs noms et leurs méthodes d’authentification, qui peuvent être des certificats client, des jetons, des identifiants de base, etc.
  • Contexts: Combinaisons d’informations de cluster et d’utilisateur qui définissent comment kubectl communique avec un cluster Kubernetes. Un contexte spécifie un cluster, un utilisateur, et un namespace.
  • Current-context: Le contexte actuellement actif, utilisé par kubectl pour toutes les opérations.

Voici un exemple simple de structure kubeconfig :

Avec le cluster configuré et le fichier kubeconfig en place, vous êtes prêt à débuter la gestion des accès via RBAC. Cette fondation est cruciale pour s’assurer que toutes les étapes suivantes de configuration des RBAC sont réalisées sur une base solide et sécurisée.

II – Gestion des identités

Dans Kubernetes, la gestion des identités est cruciale pour assurer que chaque acteur (utilisateur ou application) dispose des permissions adéquates. Cette section explore la création et la gestion des utilisateurs via des certificats, l’utilisation des service accounts pour les applications, et la gestion des groupes.

Création et gestion des utilisateurs avec des certificats X.509

1) Génération des certificats

  • Pour sécuriser l’accès, Kubernetes utilise des certificats X.509 pour authentifier les utilisateurs. Vous pouvez utiliser openssl pour générer ces certificats. Voici les étapes pour générer un certificat utilisateur :
  • CN (Common Name) représente le nom de l’utilisateur, et O (Organization) est utilisé pour spécifier les groupes auxquels l’utilisateur appartient.

2) Configuration des utilisateurs dans kubeconfig:

  • Intégrez les certificats dans votre fichier kubeconfig pour permettre à l’utilisateur de se connecter au cluster.

Utilisation des Service Accounts pour les applications internes

  • Les service accounts sont utilisés pour donner aux applications dans le cluster l’accès aux ressources de Kubernetes nécessaires.
  • Création et gestion des service accounts:
  • Ces comptes sont automatiquement dotés d’un token utilisé pour l’authentification auprès de l’API Kubernetes.

Définition et utilisation des groupes pour gérer l’accès

  • Les groupes sont utilisés pour regrouper plusieurs utilisateurs sous une même ensemble de permissions.
  • Création de groupes n’est pas gérée directement par Kubernetes. Les groupes sont spécifiés dans le certificat d’un utilisateur sous l’entrée O comme vu précédemment.
  • Vous pouvez associer des rôles à ces groupes pour simplifier la gestion des permissions.

Exemples de configurations

Pour mieux comprendre la gestion des identités, voici un exemple concret de configuration d’un utilisateur et d’association à un groupe, puis son utilisation pour accéder au cluster :

III – Définition des rôles et des permissions

Dans Kubernetes, les rôles sont des objets qui définissent les permissions accordées aux utilisateurs, aux service accounts ou aux groupes. Nous allons voir comment configurer ces rôles et les attribuer efficacement.

Création et gestion des Roles et RoleBindings

1) Roles:

  • Un Role dans Kubernetes définit des règles qui spécifient les permissions accordées dans un namespace spécifique.
  • Exemple de création d’un Role:

2) RoleBindings:

  • Un RoleBinding relie un rôle à des utilisateurs, des groupes ou des service accounts dans un namespace donné, leur accordant les permissions définies dans le rôle.
  • Exemple de création d’un RoleBinding:

Création et gestion des ClusterRoles et ClusterRoleBindings

1) ClusterRoles:

  • Un ClusterRole est comme un Role, mais au lieu de se limiter à un seul namespace, il s’applique à l’échelle de tout le cluster.
  • Exemple de création d’un ClusterRole:

2) ClusterRoleBindings:

  • Un ClusterRoleBinding relie un ClusterRole à des utilisateurs, des groupes ou des service accounts au niveau du cluster entier.
  • Exemple de création d’un ClusterRoleBinding:

Best Practices

  • Moindre privilège: Toujours attribuer le niveau de permissions le plus restreint nécessaire pour effectuer les tâches requises.
  • Audit régulier: Vérifier et auditer régulièrement les rôles et les bindings pour s’assurer qu’ils sont toujours appropriés et sécurisés.
  • Utilisation de namespaces: Utiliser les namespaces pour segmenter les ressources et appliquer des contrôles d’accès granulaires.

IV – Surveillance et Audit des accès

Pour maintenir la sécurité et la conformité dans un environnement Kubernetes, il est crucial de surveiller et d’auditer régulièrement les accès basés sur les rôles. Cette section couvre les outils et techniques pour réaliser efficacement cette tâche.

Introduction à l’Audit Policy

La politique d’audit dans Kubernetes permet de définir quels types d’actions et de ressources seront enregistrés par le système d’audit du serveur API. Cela aide à tracer des activités spécifiques effectuées dans le cluster, essentiel pour la conformité et la sécurité.

Configuration de l’Audit Policy

1) Création du fichier de politique d’audit:

  • Commencez par créer un fichier de politique d’audit qui spécifie les règles d’audit. Ce fichier décrit les opérations qui doivent être journalisées et le niveau de détail à enregistrer.
  • Exemple de fichier de politique d’audit audit-policy.yaml:
  • Dans cet exemple, les modifications apportées aux pods et aux secrets seront enregistrées avec seulement les métadonnées, tandis que les modifications aux rolebindings et clusterrolebindings seront enregistrées avec les requêtes et les réponses complètes.

2) Configurer le serveur API pour utiliser la politique d’audit:

  • Modifiez la configuration du serveur API Kubernetes pour utiliser votre fichier de politique d’audit. Cela peut généralement être fait en ajoutant des paramètres au processus du serveur API lors de son démarrage.
  • Exemple de paramètres à ajouter dans le fichier de configuration de l’API server (par exemple, dans kube-apiserver.yaml):
  • Ces paramètres indiquent où le fichier de politique d’audit est situé, où écrire les journaux d’audit, et comment gérer la rotation des fichiers de journaux.

Explication des niveaux d’audit

Les « levels » dans les politiques d’audit définissent la quantité d’informations enregistrées pour chaque événement audité :

  • None: Aucun événement n’est enregistré.
  • Metadata: Enregistre les métadonnées de la requête (qui a fait quoi, mais pas le contenu de la requête).
  • Request: Enregistre les métadonnées et le corps complet de la requête.
  • RequestResponse: Enregistre les métadonnées, le corps de la requête, et le corps de la réponse.

Ces niveaux permettent de contrôler le volume et la sensibilité des données enregistrées, aidant à équilibrer entre sécurité, performance et conformité.

Après avoir configuré les politiques d’audit de base, il est important de comprendre comment mettre en œuvre ces configurations de manière pratique et comment analyser les données collectées pour garantir la sécurité et la conformité du cluster Kubernetes.

Mise en œuvre pratique de l’audit

  1. Déploiement de la configuration d’audit:
    • Une fois la politique d’audit définie et le serveur API configuré pour utiliser cette politique, il est essentiel de redémarrer le serveur API pour appliquer les modifications.
    • Assurez-vous que le fichier de journalisation (audit.log) est accessible et que les permissions sont correctement définies pour garantir la sécurité des données.
  2. Vérification de la mise en œuvre:
    • Après le redémarrage du serveur API, vérifiez que les journaux d’audit enregistrent les données comme prévu. Vous pouvez utiliser une commande comme celle-ci pour inspecter les premières lignes du fichier de journal :
head -n 100 /var/log/kubernetes/audit.log
  • echerchez des anomalies ou des erreurs qui pourraient indiquer des problèmes avec la configuration d’audit.

Analyse des journaux d’audit

  1. Outils d’analyse:
    • Elastic Stack (ELK): Utilisez Elasticsearch, Logstash et Kibana pour collecter, stocker et visualiser les journaux d’audit. Configurez Logstash pour qu’il parse les journaux d’audit de Kubernetes et les envoie à Elasticsearch.
    • Splunk: Une autre solution puissante pour l’analyse des journaux qui peut être configurée pour ingérer les fichiers de journalisation d’audit et fournir des visualisations et des alertes en temps réel.
  2. Configuration de base avec Elastic Stack:
    • Elasticsearch: Stocke les données de journal.
    • Logstash: Configurez un pipeline dans Logstash pour lire le fichier audit.log, le parser, et l’envoyer à Elasticsearch. Voici un exemple simple de configuration de pipeline pour Logstash:
  • Kibana: Utilisez Kibana pour créer des tableaux de bord et visualiser les données de journalisation, ce qui permet de surveiller facilement les activités suspectes ou non autorisées.

3) Best Practices pour l’analyse des journaux:

  • Alertes: Configurez des alertes pour notifier les administrateurs lorsque des événements spécifiques ou suspects sont détectés, comme des modifications non autorisées aux rôles ou aux permissions.
  • Recherche proactive: Effectuez des recherches proactives pour détecter les tentatives d’exploitation ou les mauvaises configurations avant qu’elles ne causent des dommages.

Conclusion

À travers ce guide, nous avons exploré en détail la mise en place et la gestion des contrôles d’accès basés sur les rôles (RBAC) dans Kubernetes, couvrant de la configuration initiale du cluster jusqu’à des stratégies avancées de surveillance et d’audit. Nous avons démarré par la configuration de l’environnement et la compréhension des fichiers kubeconfig, suivi par la gestion détaillée des identités à l’aide de certificats, de service accounts et de groupes.

Nous avons ensuite abordé la création de rôles et de bindings, en distinguant les rôles à l’échelle des namespaces et ceux à l’échelle du cluster, pour finir avec des exemples pratiques de leur mise en œuvre. La surveillance et l’audit des accès ont été traités en profondeur, en mettant l’accent sur la configuration des politiques d’audit et l’utilisation d’outils d’analyse de journaux

En résumé, l’utilisation efficace des RBAC dans Kubernetes est fondamentale pour sécuriser vos ressources et assurer que seuls les utilisateurs autorisés ont accès aux opérations sensibles. Les pratiques et outils que nous avons discutés doivent être intégrés dans votre stratégie de gestion des clusters Kubernetes pour renforcer la sécurité, améliorer la conformité et optimiser la gestion des opérations.